Vieille dame du monde

J’ai tout donné. La semaine dernière, celle d’avant, celle d’encore avant j’avais déjà tout donné. J’ai tout donné assez vite en fait, il y a presque 30 ans. Aujourd’hui je profite des fruits tout ça. Je peux enfin être oisif, me cultiver, lire, aller au concert, à l’opéra, au cinéma d’art et d’essai. Je peux me recueillir. Je peux me le permettre avec tout ce que j’ai donné.

Je passe des journées de vieille dame du monde.
Je suis très riche.
Je peux me recueillir.

Je suis très sérieux : selon un montage personnel de connaissances psychanalytiques, je suis en train de penser très fort à la chose suivante : j’ai déjà vécu l’essence de tout ce qui me reste à vivre, je vais passer le reste de mon existence à reconnaître les situations et à y réagir en fonction de ce souvenir plus ou moins conscient. Le fait que cela soit plus ou moins conscient me permettra de ne pas m’ennuyer. Cela ne m’angoisse pas du tout.

Je peux me recueillir dans ce don, fait il y tant d’années. Me recueillir comme me lover dans la feuille du chou qui m’a vu naître, la main d'un Autre sous mon menton pour m’éviter de boire la tasse.

Est-ce que ça commence aujourd’hui où est-ce que cela a commencé dans ma vie intra-utérine ; comme la racine de la Datura qui contient déjà toute la substance narcotique de la plante. C’est d’ailleurs ce qu’il faut boire ; pas les feuilles. C’est ce que l’on m’a dit. Il y a bien longtemps déjà. Avant, alors que je n’avais pas encore tout donné. Je n’en suis pas si certain. J’amalgame le fait d’avoir tout donné et celui d’avoir tout reçu.

Je passe des journées de vieille dame du monde.
Je suis très riche.
Je peux me recueillir.
Je peux lire Judith Butler en anglais.
J’ai le temps, j’ai tout donné.

Je dois me reposer maintenant.

(RH)

Comments

Post new comment

  • Lines and paragraphs break automatically.
  • Web page addresses and e-mail addresses turn into links automatically.

More information about formatting options

By submitting this form, you accept the Mollom privacy policy.