Amicale de production
L’amicale de production > Coopérer pour donner naissance à des projets hybrides
L’amicale de production est une structure mixte, à mi-chemin entre le bureau de production et la compagnie. Son fonctionnement repose sur une pratique transversale de l’art et une approche singulière de la production. Elle répond à des questionnements à la fois esthétiques, technologiques et économiques… tous liés aux nouvelles écritures de la scène. L’amicale de production est ancrée conjointement à Lille et à Bruxelles. Rencontre avec son directeur Julien Fournet.
Vous recherchez une nouvelle façon d’envisager la production et la diffusion, comment êtes-vous structuré?
Julien Fournet – L’amicale de production est organisée sur un mode coopératif. Son fonctionnement repose sur la mutualisation d’outils de gestion et implique un rapport équilibré entre le projet artistique et le travail de production. La mise en commun d’outils de gestion de projets et de diffusion, d’outils comptables et logistiques permet de réaliser de très importantes économies d’échelle. Par exemple, nous mutualisons la communication et les lieux de résidences.
Les artistes de l’amicale sont issus des arts plastiques et de la performance. Nos collaborations sont à géométrie variable ; nous travaillons pour chaque projet en fonction des envies. Notre schéma diffère de celui d’une compagnie avec un metteur en scène qui prend toutes les décisions et qui travaille avec une équipe stable sur une longue durée. C’est à la fois plus individuel et plus mutualisant. La nature hybride des projets et des formats induit cette approche. Il n’est pas possible de se baser sur le même schéma de production pour des spectacles en salle, des projets d’installation, des conférences-théâtre, des événements, des vidéos, des projets développés uniquement pour le Net ! Seule constante dans nos productions : un attrait pour les nouvelles technologies avec une approche artisanale. Nous ne sommes ni vraiment hight tec, ni low tech, plutôt middle tech.
Comment se structurent vos projets et comment se répartissent les rôles ?
Julien Fournet - Pour chaque projet mis en production, une forme de collaboration libre se met en place entre artistes, chargés de production, chargés de diffusion, techniciens, scénographes et autres corps de métier. Nous veillons à une certaine égalité entre les porteurs de projet et les équipes. Et nous sommes également animés de l’envie de pouvoir empiéter sur les territoires les uns des autres : les créateurs ont accès aux outils de la production tels que la gestion des résidences et du calendrier, le montage des budgets et le suivi des relations avec les partenaires. De son côté, le chargé de production doit pouvoir être très proche du jus artistique pour être efficace, avec suffisamment d’énergie. Par exemple, je suis directeur de l’amicale, mais également chargé de production sur certains projets et je poursuis un travail artistique comme la scénographie du spectacle &&&&& & &&&. Autre exemple, Antoine Defoort est un créateur mais aussi un excellent monteur de production. Pour moi, le projet de production fait partie intégrante du projet artistique. Je considère qu’un projet est équilibré quand les enjeux de production sont en adéquation avec les enjeux de création (et inversement). Par exemple, il peut y avoir un enjeu de gestion de partenariats avec certains pays européens que l’on veut explorer ou encore un spectacle hybride sous forme d’exposition qui implique un travail de pédagogie et de communication spécifiques auprès des salles et du public.
Cette coopérative de production est-elle limitée aux projets des directeurs artistiques Antoine Defoort et Halory Goerger ? Ou est-elle ouverte à d’autres artistes?
Julien Fournet – Nous commençons tout doucement à accompagner des projets d’autres artistes. Dans cette optique, nous réfléchissons à des modèles financiers et coopératifs. Le développement des projets en phase de recherche nécessite des compétences spécifiques en techniques de production. En France particulièrement, elles sont très difficiles d’accès en raison du manque de lieux de défrichage qui font le pont entre les structures locales et les structures d’envergure nationale. Les projets soutenus sont choisis par affinité artistique et pour l’utilité que nous pouvons avoir à cet endroit là dans ce projet là.
Selon vous, quel aspect du travail de production est primordial ?
Julien Fournet – Nous sommes très attentifs au rythme des résidences pour rester au plus près des besoins du projet. Des sessions de recherche allant de deux semaines à plusieurs mois, sur un temps concentré ou étalé, permettent de sortir des premiers jets. Nous les montrons au public dans un contexte étudié, car la proposition est un peu fragile à ce moment là. Ensuite, nous en discutons en interne pour savoir ce qu’est ce projet, quels outils de production il faudrait imaginer, etc. La structure d’accueil joue aussi son rôle d’expertise professionnelle. A la sortie de la résidence, on se pose la question de la suite ensemble. Nos projets mettent généralement deux à trois ans à se réaliser.
En ce qui concerne les partenaires, nous essayons de réunir des structures de différents pays, réseaux et niveaux. Nous sommes très attirés par l’ouverture artistique et les différences dans les modalités de travail entre la France et la Belgique, par exemple. Les enjeux et les regards ne sont pas les mêmes, cela permet de faire bien respirer le projet. Il nous parait également important de pouvoir faire dialoguer une structure de type scène nationale avec un petit lieu comme la Malterie à Lille, qui fait de la recherche. Au-delà d’un projet, nous avons une démarche plus globale de collaborations et de partenariats. Cela contribue à mettre en œuvre des potentielles séries de collaborations avec une connaissance des différents réseaux et niveaux de travail. L’artiste a aussi un rôle très important dans ce maillage.